SYLVIA TAILHANDIER

REGIME FISCAL DE L’ACQUISITION D’OEUVRES D’ART.

ACQUISITION D'OEUVRES D'ART, LE PRINCIPE

Conformément à l’article 238 bis AB du Code Général des Impôts les sociétés peuvent déduire de leur résultat imposable le coût d'acquisition d'oeuvres originales d'artistes vivants inscrites à l'actif immobilisé à condition qu'elles restent exposées au public ou dans un lieu accessible aux salariés, à l'exception de leurs bureaux, pendant la période de déduction ;

La déduction s'effectue par fractions égales sur les résultats de l'exercice d'acquisition et des quatre années suivantes pour les biens achetés depuis le 1-1-2002. Le montant de la déduction effectuée au titre de chaque exercice est limité à la différence entre la limite de 0,5% du chiffre d'affaires et le montant des versements qui ouvrent droit à réduction d'impôt.

EXPLICATION DU DISPOSITIF FISCAL

  1. ENTREPRISES QUI PEUVENT BENEFICIER DE CE DISPOSITIF

    Le régime de l'article 238 bis AB concerne les sociétés soumises, de plein droit ou sur option, à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ainsi que celles qui relèvent du régime fiscal des sociétés de personnes (par exemple, sociétés en nom collectif), quelle que soit la nature de l'activité professionnelle de l'entreprise.

    Instruction 4 C-6-02 du 24 octobre 2002 n°79.

  2. LES OEUVRES CONCERNEES

    Seules sont susceptibles d'ouvrir droit à déduction les oeuvres originales d'artistes vivants au moment de l'achat de l'oeuvre. Inst. 24 octobre 2002, 4 C-6-02 n° 80

    Aux termes de l'article 98 A, II de l'annexe III au CGI (codifiant l'article 2 du décret 95-172 du 17 février 1995), sont considérées comme oeuvres d'art les réalisations ci-après :

    1. Tableaux, collages et tableautins similaires, peintures et dessins, entièrement exécutés à la main par l'artiste, à l'exclusion des dessins d'architectes, d'ingénieurs et autres dessins industriels, commerciaux, topographiques ou similaires, des articles manufacturés décorés à la main, des toiles peintes pour décors de théâtres, fonds d'ateliers ou usages analogues ;

    2. Gravures, estampes et lithographies originales tirées en nombre limité directement en noir ou en couleurs, d'une ou plusieurs planches entièrement exécutées à la main par l'artiste, quelle que soit la technique ou la matière employée, à l'exception de tout procédé mécanique ou photomécanique ;

    3. A l'exclusion des articles de bijouterie, d'orfèvrerie et de joaillerie, productions originales de l'art statuaire ou de la sculpture en toutes matières dès lors que les productions sont exécutées entièrement par l'artiste ; fontes de sculptures à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l'artiste ou ses ayants droit ;

    4. Tapisseries et textiles muraux faits à la main, sur la base de cartons originaux fournis par les artistes, à condition qu'il n'existe pas plus de huit exemplaires de chacun d'eux ;

    5. Exemplaires uniques de céramique, entièrement exécutés par l'artiste et signés par lui ;

    6. Emaux sur cuivre, entièrement exécutés à la main, dans la limite de huit exemplaires numérotés et comportant la signature de l'artiste ou de l'atelier d'art, à l'exclusion des articles de bijouterie, d'orfèvrerie et de joaillerie ;

    7. Photographies prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus.

    Artistes vivants

  3. L'ARTISTE DOIT ETRE VIVANT AU MOMENT DE L'ACHAT DE L'OEUVRE.

    A cet égard, l'entreprise doit s'assurer et, le cas échéant, justifier de l'existence de l'artiste à la date d'acquisition de l'oeuvre.

    Instruction du 26 février 1988, 4 C-2-88 n° 120

  4. INSCRIPTION A L'ACTIF

    La déduction spéciale est réservée aux oeuvres d'art qui ont le caractère d'immobilisations et qui sont enregistrées en tant que telles à l'actif du bilan. Les oeuvres achetées en vue de la revente et qui figurent à ce titre parmi les stocks de l'entreprise (stocks des négociants et plus généralement stocks des entreprises qui interviennent dans les transactions portant sur des oeuvres d'art) n'ouvrent pas droit à la déduction.

    Instruction du 26 février 1988, 4 C-2-88 n° 122.

  5. EXPOSITION AU PUBLIC OU AUX SALARIES

    Pour bénéficier de la déduction l'entreprise doit exposer l'oeuvre dans un lieu accessible au public ou aux salariés, à l'exception de leurs bureaux pour la période correspondant à l'exercice d'acquisition et aux quatre années suivantes ;

    Si l'entreprise décide d’exposer l'oeuvre dans un lieu accessible au public l'administration considère que les entreprises doivent informer le public sur le lieu et les modalités de l'exposition des oeuvres. Dans le cas où l'oeuvre est exposée dans un lieu simplement accessible aux salariés, ces informations n'auraient plus à être fournies.

    Instruction du 26 février 1988, 4 C-2-88 n° 77

    La condition de l’exposition aux salariés est remplie si l’oeuvre est affichée dans des salles de réunions, des restaurants d'entreprises, des couloirs, des cafétérias... L'oeuvre ne doit toutefois pas être exposée dans les bureaux. A l’avis de certains avocats – fiscalistes cette exclusion ne devrait viser que les bureaux individuels et non les bureaux collectifs (du type « open space »).

    Une société ne peut déduire de son résultat imposable le prix d'acquisition d'oeuvres d'artistes vivants dès lors qu'elle ne les a pas exposées de manière continue au public au cours des années pour lesquelles elle sollicite le bénéfice de la déduction.

    L'entreprise doit exposer le bien à titre gratuit.

    Instruction du 26 février 1988, 4 C-2-88 n° 78

  6. MECANIQUE DE LA DEDUCTION

    La déduction effectuée au titre de chaque exercice ne peut excéder la limite de 5 ‰ du chiffre d'affaires minorée du total des versements effectués en application de l'article 238 bis du CGI (dépenses du mécénat). Le plafond de 5 ‰ du chiffre d'affaires s'applique donc aux versements effectués au titre de l'article 238 bis AB du CGI mais également à ceux effectués dans le cadre de la réduction d'impôt prévue à l'article 238 bis du CGI qui sont d'ailleurs pris en compte en priorité.

    (Antérieurement au 1er janvier 2003, la déduction ne pouvait excéder la limite de 3,25 ‰ du chiffre d'affaires, minorée du total des déductions mentionnées à l'article 238 bis AA du CGI.)

    Pour les oeuvres acquises depuis le 1er janvier 2002, la déduction est pratiquée de manière extracomptable, par fractions égales, sur l'exercice d'acquisition et les quatre années suivantes.

    Il est à noter que le régime de l'article 238 bis AB du CGI ne bénéficie pas d'un mécanisme de report des excédents de dépenses déductibles (au cas où le seuil de 5 ‰ du chiffre d'affaires est dépassé). Toute déduction non pratiquée par l'entreprise au titre d'une année est définitivement perdue (décision de gestion).

    Pour les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés, les sommes en cause sont déduites du résultat de l'exercice :

    - sur le tableau n° 2058-A, ligne XG, lorsque l'ent reprise relève du régime du réel normal ;

    - sur le tableau n° 2033-B lorsqu'elle est placée s ous le régime simplifié d'imposition.

    Inst. 26 février 1988, 4 C-2-88 n° 125 .

    Les entreprises peuvent déduire par fractions égales sur cinq ans le prix d'acquisition des oeuvres originales d'artistes vivants acquises depuis le 1er janvier 2002. Si l'acquisition intervient en cours d'année, la déduction n'est pas réduite « prorata temporis ».

    Exemple : Une entreprise acquiert le 3 novembre au cours de son exercice clos le 31 décembre 2007 un tableau auprès d'un artiste vivant pour un montant de 28 000 . Elle pourra déduire sur les exercices 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 la somme de 5 600 , dans la limite de 5 ‰ de son chiffre d'affaires, sous réserve de l'exposition de cette oeuvre pendant la même période, soit de 2007 à 2011.

    Inst. 24 octobre 2002, 4 C-6-02 n° 84 et 85.

  7. CONSTITUTION D'UNE RESERVE SPECIALE

    La fraction du résultat comptable correspondant à la déduction effectuée de manière extracomptable doit être affectée à un compte de réserve spéciale figurant au passif du bilan. Cette inscription doit intervenir au plus tard à la clôture de l'exercice qui suit celui au titre duquel la déduction est pratiquée. Une ligne spéciale est prévue à cet effet sur les imprimés concernés.

    Inst. 26 février 1988, 4 C-2-88 n° 129

    ;
  8. REMISE EN CAUSE DE LA DEDUCTION

Aux termes du quatrième alinéa de l'article 238 bis AB du CGI, les sommes inscrites à la réserve spéciale qui correspondent aux déductions pratiquées sont immédiatement réintégrées de façon extra – comptable dans les bénéfices imposables au taux de droit commun en cas de changement d'affectation ou de cession de l'oeuvre ou de prélèvement sur le compte de réserve. Il convient d'entendre par changement d'affectation le fait de cesser d'exposer l'oeuvre au public.

Inst. 26 février 1988, 4 C-2-88 n° 131 .

Extraits du Code Général des Impôts 2010 :

Art. 238 bis AB.

« — Les entreprises qui achètent, à compter du 1er janvier 2002, des oeuvres originales d'artistes vivants et les inscrivent à un compte d'actif immobilisé peuvent déduire du résultat de l'exercice d'acquisition et des quatre années suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d'acquisition.

La déduction ainsi effectuée au titre de chaque exercice ne peut excéder la limite mentionnée au premier alinéa du 1 de l'article 238 bis, minorée du total des versements mentionnés au même article.

Pour bénéficier de la déduction prévue au premier alinéa, l'entreprise doit exposer dans un lieu accessible au public ou aux salariés, à l'exception de leurs bureaux, le bien qu'elle a acquis pour la période correspondant à l'exercice d'acquisition et aux quatre années suivantes.

L'entreprise doit inscrire à un compte de réserve spéciale au passif du bilan une somme égale à la déduction opérée en application du premier alinéa. Cette somme est réintégrée au résultat imposable en cas de changement d'affectation ou de cession de l'oeuvre ou de l'instrument ou de prélèvement sur le compte de réserve.

L'entreprise peut constituer une provision pour dépréciation lorsque la dépréciation de l'oeuvre excède le montant des déductions déjà opérées au titre des premier à quatrième alinéas. »

Art. 238 bis.

« — 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 5 ‰ du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit :

  1. d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ….

  2. de fondations ou associations reconnues d'utilité publique ou des musées de France …

  3. des établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique publics ou privés, d'intérêt général, à but non lucratif ;

  4. des sociétés ou organismes publics ou privés agréés à cet effet par le ministre chargé du budget en vertu de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-882 du 25 septembre 1958 relative à la fiscalité en matière de recherche scientifique et technique ;

  5. d'organismes publics ou privés, … qui ont pour activité principale la présentation au public d'oeuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque ou l'organisation d'expositions d'art contemporain, à la condition que les versements soient affectés à cette activité.

    • e bis. de projets de thèse proposés au mécénat de doctorat par les écoles doctorales dans des conditions fixées par décret [Voir le décret n° 2008-390 du 24 avril 2008] ;

    • e ter. de sociétés, dont l'État est l'actionnaire unique, qui ont pour activité la représentation de la France aux expositions universelles ;

    • e quater. des sociétés nationales de programme mentionnées à l'article 44 de la loi n° 86- 1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et affectés au financement de programmes audiovisuels culturels ;

  6. de la « Fondation du patrimoine » ou d'une fondation ou une association qui affecte irrévocablement ces versements à la « Fondation du patrimoine » …

La limite de 5 ‰ du chiffre d'affaires s'applique à l'ensemble des versements effectués au titre du présent article. »